Ananda Devi : Sylvia P.

mercredi 5 octobre 2022, par Pierre Kobel

éd. Bruno Doucey, 2022

Seule collection de romans dans une production éditoriale consacrée à la poésie, la collection Sur le fil des éditions Bruno Doucey inclut un nouveau titre, Sylvia P. que la romancière et poète mauricienne Ananda Devi consacre à la poète américaine Sylvia Plath. Cette dernière qui a mis fin à ses jours à l’âge de trente ans faute de pouvoir vivre à hauteur de ses attentes est devenue aujourd’hui une icône du malheur et d’un certain féminisme à l’encontre de la gloire qu’elle recherchait.

Venue poursuivre ses études en Angleterre à Cambridge, elle se fait reconnaître en affichant une forte individualité et rencontre une célébrité de la jeune poésie anglaise, Ted Hughes. Très vite ils formeront un couple emblématique de la jeunesse et de la modernité de leur époque. Leur histoire ne durera que six ans. Une histoire traversée de succès et d’ambitions contrariées, de passion et de déchirements jusqu’à la rupture en 1962. Ananda Devi l’écrit, Sylvia Plath voulait Ted Hughes comme un dieu et ce ne fut qu’un homme. Sylvia n’a pas résisté à cette réalité trop éloignée de ce qu’elle attendait de l’existence. La romancière prête ces propos à la poète :

"Morte, je deviendrai un grand poète. Morte. C’est le prix à payer. La mort m’achètera une vie. C’est sûr, je ne réussirai pas à vivre. Pas faite pour ça. Toujours à construire, dans ma tête, l’illusion d’une vie autre qui ne sera jamais conforme à la mienne. Une boîte. Qui a d’abord la grandeur du monde, puis se rétrécit au fil des années. Aujourd’hui, elle a la taille exacte d’un cercueil."

Poursuivie par l’idée de la mort, à l’aube d’une reconnaissance littéraire encore peu assurée, en février 1963, elle se suicide en glissant sa tête dans le four à gaz de sa cuisine.

Ted Hughes, longtemps accusé de l’avoir poussé à cette fin, publiera peu avant sa mort, en 1998, les Birthday letters dans lesquelles il reviendra à leur histoire et à ce qu’il en a éprouvé pour le reste de sa propre existence.

Ananda Devi entre dans leur histoire avec une plume très poétique et ne se pose jamais en juge pour dire la complexité de leur relation et comment ils se sont autodévorés. Elle raconte leur complexité, leur enfer et leur fin rédemptrice.